PUBLICATIONS, INTERVIEW, PRESSE
Étudiant.es entrepreneur.es et violences sexuelles : des risques accrus dans un écosystème fragile
Comment les spécificités du statut d’étudiant.e entrepreneur.e augmentent les vulnérabilités face aux violences sexuelles et sexistes.
Avec l’essor de l’entrepreneuriat étudiant en France, une réalité préoccupante émerge : les étudiant.es entrepreneur.es sont particulièrement exposé.es aux violences sexuelles et sexistes (VSS). Cette vulnérabilité découle de nombreux facteurs, tels que les dynamiques de pouvoir avec les encadrants, la dépendance financière et professionnelle, et les responsabilités accrues du rôle d'entrepreneur.e.
Une vulnérabilité spécifique liée à la dépendance
Les étudiant.es entrepreneur.es, souvent jeunes et en quête de légitimité, se retrouvent en position de dépendance vis-à-vis des encadrant.es, professeur.es, et autres décisionnaires de leur écosystème. Cette relation de dépendance, qu’elle soit financière, académique ou professionnelle, peut renforcer leur vulnérabilité face aux VSS. "L'étudiant entrepreneur se retrouve parfois dans une posture de suppliant, isolé et sous pression, ce qui peut le rendre plus vulnérable", explique Mme Richard, co-directrice d’Egalyya, un cabinet de conseil spécialisé dans la prévention des violences sexuelles et sexistes.
Les rapports hiérarchiques sont accentués dans les parcours d’entrepreneuriat étudiant : mentorat, recherche de financement, validation de projets… L’étudiant.e est encouragé.e à faire preuve de flexibilité pour saisir des opportunités, mais cela peut également l'exposer à des situations où les frontières professionnelles deviennent floues.
Des risques liés à la posture managériale et à la pression sociale
Les étudiant.es entrepreneur.es sont également confronté.es à la problématique de la "double posture" : d'une part, ils et elles se trouvent dans un rôle d'apprenti.e face à leurs encadrant.es, et d'autre part, ils et elles prennent souvent une posture de manager face à d'autres étudiant.es ou partenaires. Ce rôle de futur.e recruteur.e peut créer des dilemmes éthiques et un isolement qui renforce leur vulnérabilité.
Selon une étude récente, environ 68 % des étudiant.es entrepreneur.es ressentent une forte pression pour réussir, même au détriment de leurs limites personnelles. "La solitude et la charge mentale qui pèsent sur eux les exposent souvent aux VSS de manière insidieuse", observe Mme Richard.
Prévention : des dispositifs à renforcer
Les dispositifs de prévention des VSS se développent dans certaines universités et structures d’accompagnement, mais ils restent souvent insuffisants pour répondre aux besoins spécifiques des étudiant.es entrepreneur.es. La prévention nécessite une approche particulière pour ce public, en renforçant leur capacité à identifier et à signaler les situations abusives tout en prenant en compte leur position de dépendance et de fragilité.
Le module "Entrepreneuriat étudiant et VSS : prévenir, comprendre, agir" que propose Egalyya, aborde ces enjeux spécifiques. Elles couvrent les dynamiques de pouvoir, les risques propres à l’entrepreneuriat étudiant, et proposent des stratégies de prévention et de protection. "Ces formations sont essentielles pour donner aux étudiant.es entrepreneur.es les moyens de réagir et de prévenir ces violences", souligne Mme Richard.
Une prise de conscience nécessaire des acteurs de l’entrepreneuriat
La prévention des VSS dans le monde universitaire et entrepreneurial nécessite une mobilisation accrue des établissements d’enseignement supérieur, des incubateurs, et des structures de soutien à l’entrepreneuriat. Les accompagnateur.rices, investisseur.ses, et mentor.es ont également un rôle clé à jouer pour garantir un environnement sûr pour les étudiant.es entrepreneur.es.
Bien que le risque zéro n’existe pas, une meilleure prévention et un accompagnement adapté pourraient significativement réduire les VSS dans cet environnement. Cela enverrait également un message fort aux jeunes entrepreneur.es : s’engager dans un projet d’entreprise ne devrait jamais se faire au détriment de leur sécurité et de leur intégrité.
Propos recueillis par E.Valentino, journaliste spécialisée dans les VSS
« Faire avancer l’inclusion des personnes transgenres dans la fonction publique : un enjeu de respect et de justice sociale »
Entretien avec Mme Richard, co-directrice d’Egalyya
Dans un contexte où les questions d’inclusion et de diversité prennent de plus en plus d’importance, la fonction publique n’échappe pas aux enjeux liés à la transidentité. Bien que des avancées aient été réalisées ces dernières années, les agent·e·s transgenres continuent de rencontrer des obstacles dans leur parcours professionnel. Nous avons échangé avec Mme Richard, co-directrice de l’association Egalyya, qui milite pour l’égalité et l’inclusion des personnes LGBTQIA+ dans les institutions publiques. Elle partage avec nous les défis, les besoins et les pistes d’amélioration pour une fonction publique plus inclusive.
Madame Richard, quels sont les principaux défis auxquels font face les agent·e·s transgenres dans la fonction publique aujourd'hui ?
Mme Richard :
Les défis sont nombreux et se posent dès le début du parcours professionnel des agent·e·s transgenres, notamment en matière d’intégration. La transidentité est encore un sujet peu ou mal compris dans de nombreux secteurs publics, ce qui expose les agent·e·s à de la méfiance, voire de la discrimination. Par exemple, certaines personnes transgenres rencontrent des obstacles simplement pour obtenir que leur prénom et leur identité de genre soient respectés dans les documents internes, les badges ou encore dans les interactions quotidiennes. Cette reconnaissance administrative est pourtant essentielle pour se sentir accepté·e et respecté·e dans son travail. Mais elle est aussi complexe, car les procédures pour mettre à jour les dossiers ou les identifiants ne sont pas uniformisées dans la fonction publique.
Quelles sont, selon vous, les actions prioritaires à mettre en œuvre pour soutenir les agent·e·s transgenres dans la fonction publique ?
Mme Richard :
Les priorités sont multiples, mais je dirais que le respect de l’identité de genre des agent·e·s, l’accompagnement des équipes et l’adaptation des processus administratifs sont essentiels. La fonction publique doit s’engager à faire respecter le prénom d’usage des agent·e·s transgenres, y compris avant toute modification de l’état civil, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd'hui. Nous plaidons également pour que des référent·e·s diversité soient disponibles dans chaque structure, avec une formation spécifique sur les enjeux de la transidentité. Ce sont des personnes-ressources qui peuvent faciliter l’intégration des agent·e·s transgenres et servir de médiateurs en cas de difficultés. Enfin, une sensibilisation continue auprès de tous les agent·e·s est indispensable pour créer une véritable culture de l’inclusion.
Constatez-vous une évolution positive au sein de la fonction publique sur ces questions ?
Mme Richard :
Oui, nous voyons des signes encourageants, même si le chemin est encore long. Certaines administrations ont entrepris des démarches exemplaires, comme l’adoption de chartes de diversité ou l’organisation de formations sur les enjeux LGBTQIA+. Des dispositifs de soutien psychologique et des groupes de paroles pour les personnes transgenres commencent également à émerger. Cela permet d’aborder les situations de transphobie de manière constructive, mais il faudrait que ces initiatives se généralisent à l’ensemble de la fonction publique. Pour beaucoup, il s'agit de garantir un droit au respect, de permettre aux agent·e·s transgenres de se concentrer sur leurs missions sans constamment devoir justifier leur identité.
Quelles difficultés observez-vous en termes de mise en œuvre de ces actions inclusives ?
Mme Richard :
Les défis sont nombreux, car chaque administration a ses propres procédures et niveaux de sensibilisation. Certaines équipes RH, par exemple, n’ont pas reçu de formation spécifique sur la transidentité et peuvent manquer de repères pour accompagner un·e agent·e en transition. De plus, les questions de transidentité touchent parfois des aspects juridiques et administratifs complexes, notamment pour la gestion des noms ou des informations genrées dans les systèmes informatiques. Il faut donc souvent passer par des ajustements techniques qui peuvent ralentir l’inclusion. Cela dit, la volonté politique et le soutien institutionnel sont cruciaux pour lever ces freins et construire une fonction publique réellement inclusive.
Quels retours avez-vous de la part des agent·e·s transgenres eux-mêmes ?
Mme Richard :
Les retours sont contrastés. D’un côté, des agent·e·s transgenres soulignent que leur administration les a soutenus dans leur parcours, avec des équipes bienveillantes et respectueuses. Mais de l’autre côté, certains témoignages révèlent des situations très difficiles, où l’absence de prise en compte de leur identité de genre a entraîné du stress et un sentiment de marginalisation. Parfois, les agent·e·s transgenres se retrouvent à faire de l’éducation à la diversité malgré eux, ce qui peut être épuisant. Leur besoin de se sentir soutenus, écoutés et protégés est fondamental, car c’est ce qui leur permettra de s’épanouir professionnellement sans craindre le jugement ou l’exclusion.
Pour conclure, quelles perspectives et solutions proposez-vous pour améliorer la situation des agent·e·s transgenre dans la fonction publique ?
Mme Richard :
Nous avons des propositions concrètes, notamment l’institutionnalisation de référent·e·s LGBTQIA+, la mise en place de formations obligatoires sur les enjeux de la transidentité pour tous les encadrants et l’actualisation des processus administratifs. Un point important serait aussi de garantir un accès équitable aux espaces de travail, en adaptant les sanitaires et vestiaires pour qu’ils soient inclusifs et sécurisants. Enfin, nous encourageons chaque agent·e à devenir acteur de l’inclusion et à soutenir leurs collègues transgenres. Ces actions créeraient une fonction publique où chaque personne pourrait travailler dans un climat de respect et d’équité.
Propos recueillis par J.Varenlamine, journaliste spécialisé dans les LGBTQ+phobies
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